18 Mars 2020
Affaire Agnès Buzyn…
Féministes chenues dodelinant de la tête à chaque élection, nous sommes entrées en politique avec la création du MLF, il y a 50 ans cette année. Nous nous y sommes engagées sur nos propres chemins, armées de nos désirs et de nos enjeux personnels, professionnels, intimes… Chacune à la mesure de sa vie et de son exigence de liberté.
Citoyennes à part entière, selon la proposition d’Yvette Roudy (première ministre des droits des femmes à la suite de quelques secrétaires d’état à la condition féminine), nous regardons avec une acuité particulière le parcours de celles qui depuis, se sont avancées sur le devant de la scène politique. Leurs actions, leurs paroles, leurs alliances ont été diverses et pour être « des sœurs » (comme cela se disait parfois dans le mouvement), toutes n’ont pas emporté notre pleine adhésion. Loin de là. Mais sensibles à la lutte spécifique des femmes pour exprimer leurs préférences et les défendre publiquement, à quelque niveau que ce soit, nous avons toujours décelé les obstacles qui s’étaient dressés, se dressaient, devant elles. Et de même que nous parvenions à franchir ou contourner les résistances à notre propre libération, nous ne manquions pas de saluer leurs victoires avec une certaine joie ou leurs défaites avec une compassion sororale.
C’est ainsi que nous avons vu apparaître et disparaître toute une gamme de valeureuses guerrières qui, de Simone Weil à Agnès Buzyn en passant par Édith Cresson, Dominique Voynet et beaucoup d’autres, ont gravi quelques échelons pour atteindre au sommet de la nation. Ou plutôt s’en rapprocher.
De notre côté, nous ne manquions pas de poursuivre nos luttes. Les unes s’attaquant à l’indifférence des universités, académies, entreprises, ligues et instances diverses, toutes gouvernées par d’indétrônables assemblées masculines. Les autres traçant une voie parallèle pour peser par leurs seules volontés unies sur la part politique, culturelle et sociale accordée aux femmes. Ainsi sont parvenus à la conscience de nos concitoyen.nes grand nombre des « sujets de société » dont nous débattons encore aujourd’hui. Ainsi ont été atteints quelques objectifs essentiels à la liberté dans nos démocraties : le droit à disposer de son corps, à circuler librement dans l’espace public, à pratiquer sports et loisirs sans avoir en demander la permission à quiconque, etc. Au passage, on découvrait aussi que certains droits que nous croyions acquis depuis toujours ne l’avaient été qu’au bout de longues, trop longues, luttes de femmes avant nous.
En arrière-plan, comme dans un film, défilaient les aspirantes aux pouvoirs qu’elles estimaient à leur portée. Toutes se sont heurtées à ce que l’on désigne par la délicate expression de « plafond de verre ». Sur tous les terrains : partis politiques ou conseils d’administration, directions, rédactions (lol), le même mur compact comme un pack unisexe de joueurs de rugby. Entraîné depuis des siècles à faire barrage à une, quelques-unes ou une multitude… de femmes.
La plupart d’entre elles, une fois leurs forces de conviction usées jusqu’à la corde, ont fini par s’effacer. D’autres, obstinées, sont encore là, sur nos écrans, dans les débats d’opinions, dans quelques élections mineures. Faut voir dans quel état. Car toutes, l’une après l’autre, ont été flinguées en plein vol, comme dans un mauvais documentaire sur la chasse aux canards.
Et nous, du haut de notre grande sagesse de féministes cabossées, étrillées, abandonnées puis encensées, sublimées puis reniées, nous n’avons pas de peine à identifier les chasseurs. Vous ne devinez pas ? Demandez-nous. Dans nos films, nos écrits, nos conversations, entre nous ou en public, nous n’avons cessé de démasquer sous toutes ses formes le pouvoir (des) mâle(s) qui, quand il devient société, s’oppose à la volonté des femmes pour leur imposer le silence.
Cathy Bernheim.
Photo 1 - Merci Simone - 8 mars 2020 - DR